A priori, le concept Zéro déchet peut sembler utopique, mais il repose en réalité sur une idée simple et pragmatique : au lieu de produire sans fin des déchets, valorisons-les en ressources.
Inspirée par le concept de gestion intégrale de la qualité « Total Quality Management (TQM) », Zéro déchets est une stratégie qui vise la non production des déchets, plutôt que leur destruction. Fondée sur des objectifs à la fois simples, clairs, et progressifs, elle propose aux différentes parties prenantes (collectivités, État, entreprises et citoyens) de s’impliquer et de se responsabiliser. Zéro déchets est en effet une approche globale des déchets, reposant sur le tri à la source, les nouvelles méthodes de collecte, la responsabilité des producteurs et des consommateurs pour parvenir à la valorisation des matières.
De plus en plus de gouvernements, de collectivités et d’entreprises à travers le monde ne considèrent plus les déchets comme des matières à incinérer ou à enfouir, mais bien comme des ressources pouvant être réutilisées dans d’autres processus industriels.
Le concept zéro déchet est ainsi devenu la marque et le label d’un nouveau marché économique, celui des « matières premières secondaires » . La méthode : proposer aux collectivités locales une approche globale du traitement des déchets, pour se détourner progressivement de la mise en décharge et de l’incinération, avec les objectifs suivants :
50% de déchets en 5 ans, - 75% en 10 ans pour aller vers le zéro déchet en 15 ans.
« Au-delà des schémas traditionnels de recyclage et de compostage, cette approche environnementale des déchets repose également sur une conception économique, explique Didier Toqué, président de l’association Décentralisation et Initiatives Locales (DIL). Elle propose de redéfinir les flux des déchets de nos territoires, d’accompagner leur valorisation en « richesse » pour la collectivité, de développer des milliers de nouveaux emplois dans la collecte, le traitement, l’éco-conception des produits, et de s’engager durablement dans la nouvelle économie des « matières premières secondaires ».
De plus en plus de collectivités locales et d’entreprises à travers le monde ont bien compris l’intérêt de la démarche. Plusieurs exemples ont été étudiés par la DIL.
La ville de Canberra en Australie (300 000 habitants) a lancé en 1996 l’une des premières stratégies formelles Zéro déchet, avec pour objectif « Zéro déchet en 2010 ». En 6 ans, Canberra a réduit ses 440 000 tonnes de déchets annuels de 40%, le recyclage a augmenté de 80%, 51% des déchets ont été détournés des décharges ou des incinérateurs et plus de 200 emplois directs ont été créés.
Côté entreprises, Rank Xerox Europe a mis en place aux Pays-Bas un plan « Zéro Déchet » autour du concept de « distribution inversée ». L’entreprise récupère les photocopieurs usagés de 16 pays européens, réutilise leurs pièces détachées, recycle les matériaux et n’envoie plus en décharge que 5% des matériaux collectés. L’économie ainsi réalisée est estimée à 100 millions de dollars sur 10 ans...
De même, les Brasseries ZERI utilisent en Afrique, en Suède, au Japon et au Canada, un plan directeur « Zéro Déchet » , avec plus de 40 procédés biochimiques différents pour tout réutiliser. Un digesteur transforme les déchets organiques en chaleur et en énergie, l’eau alcaline alimente un élevage d’algues qui lui-même alimente un élevage de poissons et les déchets de céréales sont utilisés pour faire pousser des champignons.
En France, 266 millions de tonnes de déchets sont potentiellement concernés par la méthode Zéro déchet :
les déchet municipaux pour 47 millions de tonnes dont 22 millions de tonnes d’ordures ménagères, 11 millions de tonnes de déchets encombrants, verts et résiduels des ménages, 14 millions de tonnes de déchets des collectivités).
les déchets industriels représentent 89 millions de tonnes, ceux du BTP 130 millions de tonnes.
Les 47 millions de tonnes de déchets municipaux représentent à eux seuls un gisement de 37,1 millions de tonnes de "ressources" à valoriser, alors que leur incinération coûte actuellement 1,3 milliards d’euros.
« La force de ce concept, c’est qu’il fédère les initiatives et crée une implication collective autour d’objectifs clairs et simples à comprendre. Même si la France est très en retard dans ce domaine, de plus en plus d’élus, submergés par les quantités toujours croissantes de déchets à gérer, s’y intéressent », explique Didier Toqué. De fait, le traitement des déchets représente une charge toujours plus élevée pour les collectivités locales, alors qu’elles pourraient au contraire les transformer en biens économiques.
Actuellement, le recyclage ne représente que de 16% des déchets collectés, tandis que 47% sont mis en décharge et 35% incinérés, avec une -faible - récupération énergétique de 5%.
L’échec français dans ce domaine est patent, pour deux types de raisons. La première, c’est qu’aucune collaboration entre l’État et les différents échelons territoriaux n’existe. Conséquence : ce sont les communes qui prennent à leur charge les coûts liés aux déchets. Par ailleurs, l’État n’a toujours pas défini de politique nationale des déchets, ni dans la prévention, ni dans le traitement. L’objectif « zéro décharge » est loin d’être atteint et près de 80% des départements risquent d’être dépassés par les volumes de déchets à traiter d’ici 2010. Deuxième explication : la puissance des lobbies de l’incinération, qui bloquent toute initiative alternative dans le management des déchets et entretiennent l’opacité sur cette activité.
Alors que des pays comme les États Unis, le Canada, l’Australie et l’Europe du Nord sont déjà très avancés dans la performance du zéro déchet, il reste encore beaucoup à faire, en France, pour amorcer la démarche. Les directives européennes existent, mais elles ne sont pas transposées. Une inertie regrettable, car Zéro déchets est une déclinaison concrète du développement durable : il réunit à la fois la protection de l’environnement en réduisant la pression sur les ressources naturelles, il favorise le développement économique par l’émergence d’un nouveau marché et crée de la responsabilité sociale en offrant des gisements d’emplois liés à cette activité.