Grenoble,
le 12 mai 2005
Objet : recours gracieux.
Monsieur le Préfet,
Au
nom de l’association OBJECTIF ZÉRO
DÉCHET, j’ai
l’honneur de déposer auprès de vous un
recours gracieux visant à obtenir
l’annulation de l’arrêté
n°2005-01025, du 10 février 2005 portant approbation
du plan départemental d’élimination des
déchets ménagers et assimiles, publié
dans le DAUPHINE LIBERE le 18 mars 2005.
En
application des dispositions de l’article L.514-14 I du code
de
l’environnement :
« Chaque
département
est couvert par un plan départemental ou
interdépartemental d’élimination des
déchets ménagers et autres déchets
mentionnés à l’article L. 2224-14 du code
général des collectivités
territoriales. »
Le
premier plan départemental
d’élimination des déchets
ménagers et assimilés de
l’Isère a été
approuvé par l’arrêté
préfectoral n°96-6921 du 16 octobre 1996.
La
révision de ce plan a été
engagée en 1999 et a abouti le 10 février 2005
avec
l’approbation par arrêt préfectoral du
nouveau plan.
Cependant,
considérant les irrégularités tant
internes qu’externes dont est entaché cet
acte administratif, l’association OBJECTIF ZÉRO
DÉCHET sollicite son
annulation.
1°.
Sur la légalité externe :
Ø
Antériorité
de l’avis de la
commission consultative
Les
articles 5 et 7 du Décret du 18 novembre 1996 relatif aux
plans d’élimination
des déchet ménagers et assimilés
disposent :
« Le
projet de plan
élaboré à l’initiative de
l’autorité compétente est soumis
à l’avis de la
commission consultative. » (…)
« L’autorité
compétente, après
avoir recueilli
l’avis de la commission consultative soumet le projet de plan
pour avis :
a)
Au
conseil général et aux conseils
généraux des départements limitrophes ;
b)
Au
conseil départemental d’hygiène ;
c)
A
la commission consultative chargée de
l’élaboration et de l’application du ou
des plans d’élimination des déchets industriels
spéciaux, créée
conformément à
l’article 5 du décret no 96-1009 du 18 décembre
1996 susvisé, territorialement
compétente pour la zone du plan. »
Au visa
de l’arrêté litigieux, il
apparaît que la commission consultative chargée de
l’élaboration du plan a émis un avis le
28 octobre 2004, soit postérieurement
aux avis du
conseil départemental d’hygiène en date
du 8 juillet 2004, du conseil général
de l’Isère en date du 9 septembre 2004 et des
conseils généraux des
départements limitrophes donnés les 6, 8 et 20
septembre et les 15 et 18
octobre 2004.
Ainsi,
la
procédure menée est contraire aux dispositions
réglementaires applicables en la
matière.
Encore,
en application de l’article 8 du décret du 18
novembre 1996,
« Le
projet de plan
est soumis à enquête publique dans les formes
prévues aux articles R. 11-14-2
et suivants du code de l’expropriation ».
L’article
R.11-14-14 du code de l’expropriation publique
précise :
Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d’enquête transmet, dans le délai d’un mois à compter de la date de clôture de l’enquête, le dossier avec les conclusions, soit au préfet si l’enquête a pour siège la préfecture, soit au sous-préfet dans les autres cas
L’enquête
publique relative au plan départemental
d’élimination des déchets
ménagers et
assimilés a été clôturée
le 19 novembre
2004.
Or, le
rapport et les conclusions de la commission
d’enquête ont été remis en Préfecture le 21 janvier 2005, soit
plus de deux mois après la clôture de
l’enquête.
Là
encore, le déroulement de la procédure est
contraire aux dispositions
réglementaires applicables.
Ø
Avis
non motivé de la commission
d’enquête
L’article
R11-14-14 (inséré par Décret
nº 85-453 du 23 avril 1985 art. 22, art. 24) du
code de l’expropriation mentionne :
"
Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête
établit un rapport qui
relate le déroulement de l’enquête et
rédige des conclusions motivées, en
précisant si elles sont favorables ou non à la
déclaration d’utilité publique
de l’opération."
L’assertion
de la commission d’enquête, qui conditionne la
création de nouvelles unités de
traitement prévues par le plan départemental au
non accomplissement d’effets
d’éventuels efforts, relève
d’un vœu qui ne peut être
considéré comme une
motivation pour les conclusions du rapport.
Il
en va
de même pour les vœux de la commission
d’enquête de voir se mettre en place des
actions de réduction à la source et une
actualisation des données chiffrées.
Ils ne peuvent être considérés comme
des motivations de l’avis exprimé par la
commission, d’autant qu’elle estime
elle-même :
Ø
Que
ce plan est établi sur la base de données
erronées et périmées datant de 1999
(cf. dernier paragraphe de l’avis).
Ø
Qu’
il apparaît contradictoire de donner un aval à un
plan favorisant et
accroissant l’incinération en recommandant des
modalités qui, si elles sont
mises en actes, réduiraient substantiellement le volume de
déchets à traiter,
éventuellement, par cette technique.
2°.
Sur la légalité interne
Ø
L’absence
de mesures pour
prévenir l’augmentation de la production de
déchets ménagers et assimilés.
L’article
2 du décret du 18 novembre 1996 dispose :
« Les
mesures qu’il
est recommandé de prendre pour prévenir
l’augmentation de la production de
déchets ménagers et assimilés, y
compris pour prévenir la production de déchets
d’emballages dont les détenteurs finaux sont les
ménages et pour promouvoir, le
cas échéant, la réutilisation de ces
déchets ».
Le
plan
applicable pour le département de
l’Isère ne considère cette question de
la
réduction à la source qu’au paragraphe
4.1-5 (page 30).
S’il
est
précisé qu’il s’agit de
l’objectif de réduction à la source est
l’objectif
majeur à atteindre, aucune mesure efficace
n’accompagne ce vœu.
En
effet,
n’apparaît dans le plan aucun objectif
chiffré de réduction des déchets. Des
mesures sont évoquées sans être
liées à un objectif de réduction du
tonnage.
De
plus,
les mesures proposées ne concernent que les
ménages, la production de déchets
industriels banals par les entreprises, n’est absolument pas
prise en compte.
Pourtant, le plan s’applique bien à ce type de
déchets assimilés aux déchets
ménagers. Les entreprises sont donc totalement
dégagées de tout objectif de
réduction à la source de leur production de
déchets.
Ainsi,
par exemple est proposée la mise en place d’un
programme de compostage mais
celui-ci est limité aux seuls particuliers.
Ø
Sur
l’absence d’inventaire
prospectif des quantités de déchets à
éliminer.
« Un
inventaire prospectif, établi sur cinq et dix
ans, des quantités de déchets à
éliminer selon leur nature et leur
origine »
Le
plan
doit donc évaluer les gisements de déchets
à éliminer sur 5 et 10 ans en fonction
de la nature et de l’origine
des déchets.
Le
seul
tableau qui pourrait prétendre répondre
à cette disposition est le tableau
présenté en page 29 du document annexé
à l’arrêté. Celui-ci faisant
apparaître
une projection de la production de déchets pour 2008 et 2013
d’après les
objectifs fixés.
Si
la
condition d’un inventaire établi sur 5 et 10 ans
des quantités de déchets à
éliminer en fonction de
leur origine
semble remplie, puisque sont appréciés les
collectes ménagères et les apports
en déchetteries, en revanche celle
de
l’évaluation en fonction de la nature des
déchets fait tout à fait défaut dans
ce tableau.
Ø
L’absence
de fixation des
proportions de déchets qui doivent être
traitées selon les différents
procédés
« La
fixation, pour les diverses catégories de
déchets qu’ils définissent, des proportions de
déchets qui doivent être à terme
de cinq ans, d’une part, et à terme de dix ans, d’autre
part, soit valorisés
par réemploi, recyclage, obtention de matières
réutilisables ou d’énergie, soit
incinérés sans récupération
d’énergie ou détruits par tout autre moyen ne
conduisant pas à une valorisation, soit
stockés »
Là
encore, seul le tableau figurant en page 29 semble tenter de
répondre à cette
obligation.
Ce
tableau définit bien d’une part des performances
de valorisation mais s’en
tient à cela, alors que les dispositions
énoncées ci-dessus imposent que soient
également évaluées les
quantités de déchets qui seront à
terme de 5 et 10 ans
incinérées et stockées. Or, le tableau
réalisé ne présente aucun chiffrage
des
quantités de déchets à stocker et
à incinérer.
D’autre
part, les objectifs de valorisation définis dans ce tableau
ne sont que des
objectifs globaux de valorisation après collecte
sélective ou en déchetteries,
aucune distinction n’est faite selon les
différents types de valorisation
possibles : réemploi, recyclage, obtention de
matières réutilisables ou
d’énergie contrairement à ce
qu’impose les dispositions réglementaires
ci-dessus reprises.
Ø
L’absence
de solution retenue
pour l’élimination des déchets
d’emballage.
Les
solutions retenues pour l’élimination de déchets
d’emballages et l’indication
des diverses mesures à prendre afin que les objectifs
nationaux concernant la
valorisation des déchets d’emballages et le recyclage des
matériaux
d’emballages, qui devaient être respectés au 30
juin 2001 ne sont pas indiquées
dans le plan contesté.
Les
paragraphes 3.3-3 (page 17) et 4.4 (page 33) expriment des
quantités de déchets
d’emballages exprimées en kg/an par "habitant
concerné", sans aucune
mention des tonnages de déchets d’emballages
collectés, valorisés. Aucun détail
des objectifs de valorisation par matériaux d’emballage
n’est indiqué alors que
l’article 2 du décret n°96-1008 indique :
·
valorisation de 50 p. 100 au
minimum et 65 p.
100 au maximum en poids des déchets d’emballages,
·
recyclage
de 25 p. 100 au minimum et 45 p. 100 au maximum en poids de l’ensemble
des
matériaux d’emballages entrant dans les déchets
d’emballages, avec un minimum
de 15 p. 100 en poids pour chaque matériau d’emballages."
En
l’état, ce plan ne permet donc pas de
vérifier la réalité des objectifs de
valorisation prévue à l’article 2 du
décret n°96-1008 alinéa d.
Ø
L’insuffisante
évaluation des
installations à créer et
l’imprécision quant à leur localisation.
Le
plan
proposé assène le nombre
d’installations de traitement à créer
sans justifier
des choix retenus. En effet, aucune capacité de traitement
des installations
n’est précisée rendant ainsi
infondée l’évaluation des besoins
d’installations
nouvelles.
De
plus,
la réglementation impose de localiser les installations
à créer, notamment en
ce qui concerne les centres de stockage de déchets ultimes.
Or,
les
localisations des équipements à créer
sont tout à fait imprécises. Seules trois
zones devant accueillir ces installations sont
définies : Nord , Centre et
Sud et aucun effort de précision supplémentaire
n’est fait quant à la
localisation des projets de centre de stockage contrairement
à ce qu’impose les
dispositions du Décret de 1996 sur les plans
d’élimination des déchets
ménagers
et assimilés.
Ø
L’absence
de données économiques
et de données sur les coûts du service public des
déchets
La
commission d’enquête relève à propos de
la
filière incinération "dont la toxicité
n’est pas contestable" (page 6
du rapport) :
"les
membres de la
commission croient devoir attirer l’attention des autorités
responsables de la
délivrance des autorisations pour les équipements
nouveaux ou agrandis, sur les
points suivants :
-
pour les usines d’incinération
: sur la prudence qui doit présider à leur
extension ou multiplication, en
raison à la fois de la nocivité de leurs
émanations, même si on peut l’atténuer
par des mesures techniques et en respectant les normes de rejets en
vigueur, et
du poids financier de l’investissement.
Ce
dernier point nécessite pour
de nombreuses années le traitement de tonnages importants,
étant d’ailleurs
observé que, lors de l’élaboration du plan de
1996, il avait été constaté un
équipement du département de l’Isère
dans ce domaine nettement plus important
que la moyenne nationale."
Le
renforcement massif du nombre et de la capacité
des unités d’incinération (5 sites
concernés dans l’Isère) renchérit de
façon
substantielle, et pour de nombreuses années, le
coût du service à la charge des
habitants et compromet les politiques de prévention des
quantités à traiter ou
de recyclage.
Le
plan ne propose aucun canevas de données
économiques pour étayer les choix
proposés et aider les collectivités. Par
ailleurs il n’est pas apporté
d‘éléments économiques sur
l’incidence envers la
santé des habitants, les mise en décharges de
quantité importantes de sous
produits très toxiques etc. …
Ce
renforcement de 5 unités d’incinération est
contraire à l’article 1er de la loi
n°75-633 du 15 juillet 1975, aux
dispositions rappelées par la circulaire du 28 avril 1998 de
la ministre de
l’Aménagement du territoire et de l’Environnement aux
préfets :
"Les
objectifs et les
principes à retenir pour l’élaboration et la
réorientation des plans : (..)
-
2. La maîtrise des coûts
d’élimination des déchets est une
préoccupation qui doit être
constamment présente et prise en compte dans
les différentes phases de l’élaboration, de la
mise en oeuvre, et l’évaluation
des plans
-
3. La modernisation de la
gestion des déchets et la maîtrise des
coûts d’élimination doivent intégrer
les
priorités définies par la loi du 13 juillet 1992
…"
Nous
insistons sur le fait que dans le cadre de
l’enquête publique, le choix
l’année
1999 comme année de référence dans le
plan n’est absolument pas approprié. En
effet, à cette époque le tri était peu
organisé et en conséquence la part de
déchets à traiter apparaît
surévaluée, faussant ainsi les objectifs de
valorisation et de traitement définis par le plan. Enfin,
les échéances de 2008
et 2013 apportent des éléments de confusion pour
un plan qui aurait du afficher
des objectifs pour 2010 et 2015.
Ainsi,
pour l’ensemble des motifs ci-dessus
développés, nous vous demandons, Monsieur
le Préfet, de bien vouloir rapporter
l’arrêté n°2005-01025 portant
approbation
du plan départemental d’élimination des
déchets ménagers et assimilés.
Vous
remerciant par avance de votre réponse, nous vous prions
d’accepter, Monsieur
le Préfet, l’expression de nos respectueuses
salutations.
Le
Président,
Georges
OUDJAOUDI